Les Secrets du TARDIS
Episode 2 : Sans conséquence ?
Petite histoire se déroulant quelques minutes après la fin de l’épisode « Une nouvelle Terre » (2.01). Après que Cassandra ait simultanément possédé le Docteur et Rose, nos deux compagnons se remettent en question, en essayant d’oublier certaines choses plutôt gênantes… !
[Spoiler 1.13 et 2.01]
*
Le Docteur et Rose montèrent à bord du TARDIS, laissant le passé de Cassandra derrière eux. Ils n’échangèrent pas un mot pendant qu’ils enlevaient leur gilet et veste, et le Docteur se rua ensuite vers les commandes du vaisseau ; ce qui laissa le temps à Rose d’aller s’asseoir dans une niche garnie de boules dorées. La jeune fille n’avait jamais compris à quoi elles servaient exactement.
- Il est déstabilisé, déclara alors le Docteur en posant une main sur le tableau de bord du vaisseau. Ses vibrations sont différentes.
Rose ne trouva rien à répondre. Après tout, le Docteur parlait si souvent tout seul –surtout lorsqu’il était dans la salle de bains et qu’il croyait qu’elle ne l’entendait pas- alors la jeune fille préféra faire la sourde oreille.
- ça doit être en raison de la récente psycho greffe que j’ai subi, poursuivit le Docteur, les yeux toujours rivés sur la coque en métal qui vrombissait. Quand il m’arrive quelque chose, le TARDIS le ressent puisque nous sommes connectés lui et moi.
Rose releva la tête subitement et écarquilla les yeux, intéressée. Il venait de lui donner une chance d’amener un sujet épineux sur le tapis. Sûrement l’avait-il fait sans s’en rendre compte. Rose se mordilla les lèvres avec malice et sauta de son perchoir pour rejoindre le seigneur du temps. Ce que leur avait fait subir Cassandra
était absolument humiliant, mais d’un autre côté… Peut-être cela avait-il éveillé quelques émotions refoulées ?
« Qui ne tente rien n’a rien » songea-t-elle, résolue.
Un sourire se dessina quelques secondes sur ses lèvres puis elle passa à l’attaque sans prévenir :
- Moi aussi, je suis connectée à lui maintenant. Vous vous souvenez ? Quand j’ai absorbé l’âme du TARDIS pour dégommer tous les Daleks ! Ça fait deux choses qu’on partage ! Enfin, que l’on a partagé, parce que dans le cas de Cassandra c’est bien qu’elle ne soit plus là.
Le Docteur enleva sa main du TARDIS et fit un grand sourire à Rose. Il observa les moindres traits de son visage et une ride soucieuse plissa son front tandis qu’il pensait avec une ironie un peu exaspérée :
« Elle est incroyable : la première fois qu’on s’est embrassé, elle a perdu la mémoire juste après, et la deuxième fois, quelqu’un l’a utilisée pour me sauter dessus et j’en ai perdu un bouton de chemise. En sept cent cinquante ans je n’ai jamais connu quelqu’un comme elle ! »
Il leva les yeux au ciel puis haussa les épaules d’un air indifférent. Il préférait concentrer de nouveau son attention sur le TARDIS, beaucoup moins difficile à comprendre avec ses cent mille réglages qu’une jeune femme londonienne. Il envoya une grande tape sur un levier récalcitrant, appuya sur deux trois boutons puis s’écria soudain, faisant sursauter Rose :
- On va se reposer un peu ! Le TARDIS a perdu la boussole, et je ne veux pas qu’il nous emmène chez les T-Rex ou à un concert de Deep Purple ! J’ai suffisamment eu mal à la tête pour aujourd’hui !
Il s’éloigna rapidement de Rose et prit la direction du couloir en faisant des pas chassés à un rythme effréné.
La jeune fille le suivit, incrédule.
- Que faites-vous, Docteur ? demanda-t-elle, en totale incompréhension.
- Du sport ! répondit-il avec force tout en continuant de sauter. C’est bon le sport ! ça draine le sang, muscle le cœur –mes deux cœurs- et ça empêche la cellulite ! Allez Rose, faites comme moi !
Cependant, la jeune fille n’était pas d’humeur très athlétique. Voir le Docteur sautiller comme un cabri commençait à lui donner mal au cœur, alors elle se contenta de le suivre à pas lents, la tête bourdonnante. Les murs du couloir se mirent à bouger comme de la guimauve, et elle préféra bientôt s’arrêter de marcher.
Le Docteur était déjà loin devant lorsqu’il tourna la tête vers elle. Il cessa aussitôt son cirque en s’apercevant qu’elle n’allait pas bien. Prestement, il se précipita vers elle pour planter ses yeux dans les siens, respirant par saccades.
Malgré son mal au crâne, Rose remarqua qu’il avait le nez couvert de sueur. Juste le nez. Elle éclata d’un rire incontrôlable et le Docteur souleva un sourcil indécis.
- Qu’est-ce qui ne va pas ?
- C’est… C’est rien… dit-elle entre deux rires. Laissez tomber.
Elle reprit son souffle et s’aperçut alors que son mal de tête avait presque disparu. Il était sûrement dû à un effet secondaire de la possession de Cassandra.
- J’ai fait du sport pour activer mes neurones, expliqua alors le Docteur. C’est très important après s’être débarrassé d’une psycho greffe. Ça évite de trop réfléchir sur les derniers évènements et ça permet d’éliminer les toxines ! Vous auriez dû en faire autant.
Il lui fit un sourire encourageant et lui prit la main pour la diriger vers sa chambre. En fait, le mot « chambre » n’était pas le meilleur pour qualifier le réduit encombré de marteaux, d’outils biscornus et de fusibles de rechange. Quelques semaines après l’arrivée de Rose, le Docteur s’était soudainement souvenu que les humains aimaient dormir de temps à autre, entre deux voyages temporels. Il avait donc obligeamment improvisé une chambre à la jeune fille dans le débarras du TARDIS, mais la pièce était beaucoup trop en désordre pour oser espérer y faire un pas sans tomber sur une vieille pompe à huile ou une batterie qui crachait des ondes électrostatiques. En inspectant la pièce plus en détail, Rose avait même trouvé une jambe de poupée mannequin. Lorsqu’elle l’avait mise sous le nez du Docteur en étouffant un rire, il avait répondu d’un ton très naturel qu’il s’en servait pour faire des brochettes de marshmallows. La jeune fille avait remarqué un léger trouble dans son regard, et elle ne savait toujours pas s’il plaisantait ou non.
- Vous allez faire comme le TARDIS, vous reposer et ronronner, lui dit le Docteur comme s’il parlait à un esprit diminué.
Rose lui lança un drôle de regard et le Seigneur du Temps songea qu’il avait peut-être exagéré ses paroles. Il haussa les épaules mais fut parcourut d’un frisson lorsqu’il entendit la jeune fille dire :
- Vous vous souvenez de ce qui s’est passé lorsque Cassandra vous a possédé ?
- Non ! répondit-il un peu trop rapidement. Non, non !
Il se mit à ponctuer chacun de ses pas par un « non ! » avec une intonation différente. Il y eut le « non ! » évident, le « noooon ! » appuyé, le « non ! » accompagné d’un geste badin, le « non ! » avec des yeux globuleux, et pour finir, le « non » pur et simple, qui ne méritait aucune réplique.
Seulement voilà, Rose y tenait, à sa réplique :
- Vous êtes sûrs ?
Ne souhaitant pas qu’il recommence le même cinéma avec les « oui ! », elle ajouta aussitôt :
- C’est pareil pour moi.
- Tant mieux ! C’est bien ! C’est fabuleux ! Dormez maintenant ! s’exclama-t-il en ouvrant brutalement la porte de la chambre.
La tête de Rose la heurta de plein fouet.
- Aïe ! s’écria-t-elle en portant une main à son front. Si vous voulez que je dorme, chantez-moi plutôt une berceuse au lieu de m’assommer !
- Je suis vraiment désolé ! fit le Docteur avec sincérité.
Rose esquissa un pâle sourire et entra dans sa chambre, laissant la porte entrouverte. Elle se laissa tomber sur le lit en poussant un soupir puis chercha à tâtons son oreiller. Elle cala sa tête dessus pour avoir le Docteur dans son champ de vision. Il se tenait dans l’embrasure de la porte ; il n’entrait jamais plus dans le débarras depuis que Rose y dormait.
Nerveux, il avait fourré ses mains dans ses poches et tripotait son tournevis sonique, sans cesser de fixer la jeune fille avec insistance. Il n’aimait pas la voir souffrante, même lorsqu’elle n’avait rien de grave. Il aurait voulu qu’elle sourie toujours.
- On pourrait faire un jeu, décida-t-elle soudain.
Le regard de l’homme pétilla aussitôt : elle allait mieux. Il tendit le cou pour mieux entendre ce qu’elle allait dire, mais toujours sans que ses Converse ne frôlent le sol encombré de la chambre.
Rose plissa les yeux, agacée. Pourquoi ne voulait-il donc pas entrer ? Quelle était la raison de sa peur ? Elle savait qu’elle n’allait pas le rassurer en disant ce qu’elle avait en tête, mais comme il avait failli lui faire manger une porte, elle déclara, pour se venger :
- Et si on se racontait ce que l’autre a fait lorsqu’il était possédé par Cassandra ?
Elle prit un petit air supérieur, certaine de le déstabiliser. Aussi fut-elle désarçonnée lorsqu’il répondit, très calme :
- Vous n’arrêtiez pas de glousser, c’était assez énervant.
Il eut un grand sourire et haussa les sourcils une seconde, la mettant au défi d’avouer quelque chose elle aussi. Rose resta sans voix devant son audace : elle s’était faite piéger à son propre jeu !
- Eh bien vous, vous avez… dit-elle en se redressant brusquement. Vous, euh… vous vous dandiniez ! Et vous gloussiez aussi ! C’était horrible à voir !
Malgré elle, quelques mots que le Docteur avait prononcé lorsqu’il était possédé surgirent soudain dans son esprit, et elle se mordit les lèvres pour essayer de les oublier.
Mince… et musclé. Elle essaya de visualiser Mickey –qui n’était pas très musclé- pour faire abstraction des mots de Cassandra et posa un regard incertain sur le Docteur, toujours bien droit dans l’embrasure de la porte. Ses cheveux bruns en broussaille semblaient s’enflammer dans la lumière du couloir, et une expression énigmatique se peignait peu à peu sur son visage.
Rose avait totalement oublié Mickey et ses biceps durs comme du fromage blanc. Ses yeux étaient rivés sur le torse du Docteur, dans lequel, imperceptiblement, deux cœurs battaient.
… sur un air de samba.La jeune fille soupira, misérable. Les mots de Cassandra formulés par la bouche du Docteur la hanteraient toute sa vie. Elle pencha la tête, se demandant, curieuse, pour qui les deux cœurs battaient. Rien que la moitié d’un seul lui aurait suffi.
- Bonne nuit, Rose, déclara alors le Docteur sans un sourire, gardant le même regard insondable.
Sans un mot de plus, il se pencha pour attraper la poignée de la porte et la ramena vers lui. Elle se ferma dans un déclic. Rose ne le vit pas rester debout de l’autre coté, frôlant le métal de la porte du bout des doigts. Il laissa passer une seconde puis murmura, sa voix se noyant dans le ronronnement du TARDIS :
- Pour moi aussi, c’est pareil.
FIN !